Pourra-t-on un jour en finir avec le cancer ?

9,56 millions de personnes sont décédées de différentes formes de cancer en 2017. Un décès sur six dans le monde est dû au cancer, ce qui en fait la deuxième cause de mortalité après les maladies cardiovasculaires. Pour mieux comprendre, l’invité de la série “Tête chercheuse” de Diaspora est Karim Touijer, urologue et chercheur au Memorial Sloan Kettering Cancer Center de New York, et professeur d’urologie à l’Université de Cornell. Il a été élu meilleur médecin de New York en 2018. 

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Karim Touijer a d’abord étudié à la Faculté de médecine de Casablanca. Après son internat au CHU Averroès, il a rejoint l’École de médecine de l’Université du Kansas puis celle de l’Arkansas à Little Rock, avant d’obtenir une bourse pour rejoindre le service d’oncologie urologique au Memorial Sloan Kettering Cancer Center de New York. Karim Touijer a également un Master en santé publique de l’Université de Harvard. Aujourd’hui, il est professeur d’urologie à l’Université de Cornell. Quels sont les cancers les plus fréquents dans le monde ? Comment prévenir le cancer ? Quelles sont les avancées en matière de traitements ? Pourra-t-on un jour s’en débarrasser ? Karim Touijer répond à ces questions pour Diaspora.  

Le cancer, deuxième cause de mortalité dans le monde

Après les maladies cardiovasculaires (17,78 millions de morts), le cancer représente la deuxième cause de mortalité dans le monde : 9,56 millions en 2017. La réduction du taux de mortalité dû au cancer est une grande nouvelle, et l’on espère que cette tendance continuera au niveau mondial”, explique Karim Touijer.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, le cancer broncho-pulmonaire est le plus fréquent et le plus mortel dans le monde, suivi du cancer du sein, du cancer colorectal, et du cancer de la prostate”, poursuit l’urologue. “Aux États-Unis, par exemple, on estime qu’en 2020, les cancers de la prostate, broncho-pulmonaires et colorectaux représentaient 43 % de tous les cancers diagnostiqués chez l’homme. Chez la femme par contre, les trois cancers les plus fréquents étaient ceux du sein, du poumon et le colorectal. Ces cancers représentent approximativement 50 % des cancers chez la femme”, précise-t-il. 

Concernant le cancer broncho-pulmonaire, qui reste le plus fréquent et le plus mortel, le chercheur relève qu’il est la “conséquence directe du tabagisme”. Il affirme que ce phénomène est “mondialement responsable à 22 % du taux de mortalité lié au cancer”. Le tabagisme est un grand facteur de risque pour le développement du cancer du poumon, de la vessie et des maladies cardiovasculaires entre autres”. Selon lui, “ l’accoutumance au tabac devrait être considérée et traitée comme une maladie en elle-même. Avec une stratégie qui ne culpabilise pas les gens, mais qui les guide pour se libérer de l’accoutumance. Une lutte efficace contre le tabagisme est une priorité en matière de santé publique”.

Mais il n’y a évidemment pas que le tabac qui augmente les risques de cancer. Ainsi, Karim Touijer rappelle que les cancers liés aux maladies virales représentent 25 % des cancers dans les pays en voie de développement. Ces cancers sont “évitables”, selon lui, vu que l’on dispose depuis des années maintenant de vaccins contre, par exemple, le Human Papilloma Virus (HPV) et l’hépatite B. Les campagnes de vaccination pourraient ainsi réduire l’incidence de ces cancers de plus de 90 %, voire les éradiquer. C’est d’ailleurs le cas en Australie, où le pays s’approche d’une éradication presque complète des cancers liés à l’HPV, ou du Rwanda qualifié de “success story” par Karim Touijer, avec une couverture de plus de 98 % des personnes éligibles au vaccin contre le HPV. 

L’arme fatale contre le cancer : le diagnostic précoce

En dehors de la vaccination et de la lutte contre le tabagisme, “dans la mesure où l’action préventive n’est pas possible, les efforts se concentrent sur le diagnostic précoce. Puisqu’en général les probabilités de guérison et de survie sont nettement meilleures quand un cancer est découvert au stade initial”, indique le médecin de New York. 

Son dépistage est mieux fait quand on dispose d’un test biomarqueur fiable pour nous indiquer le début d’anomalie. Le Prostate Specific Antigen’ ou PSA est exactement ce type de biomarqueur. Le taux de PSA est obtenu après une ponction sanguine et sert au dépistage du cancer de la prostate. La recommandation est de faire ce test à partir de 45 ans. La fréquence de la surveillance est établie en fonction des facteurs de risque et de la valeur initiale du premier PSA obtenu entre 45 ans et 50 ans”, développe l’urologue. Il ajoute : “Les essais cliniques conduits en Europe sur un large segment de la population masculine ont démontré que le dépistage à base de PSA sauvait des vies.”

Malheureusement, les biomarqueurs n’existent toujours pas pour tous les cancers. Dans ce cas, le dépistage peut se faire par imagerie comme la mammographie pour le cancer du sein. Selon la Société américaine de cancérologie, le dépistage devrait commencer chez la femme sans facteurs de risque particuliers à partir de 45 ans. Le suivi est fait annuellement entre 45 et 54 ans, puis tous les deux ans à partir de 55 ans. Pour le cancer du côlon et du rectum, le dépistage se fait à travers une coloscopie. Chaque personne, homme ou femme, devrait entamer le dépistage du cancer colorectal à partir de 50 ans”, explique-t-il. Enfin, “le frottis cervico-vaginal (pap smear) est un outil très utile pour le dépistage du cancer du col utérin. Le Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York recommande un frottis tous les 3 ans entre 21 et 29 ans. Un frottis tous les 3 ans ou frottis plus un test HPV tous les 5 ans entre 30 et 65 ans”, conclut-il. 

Le traitement du cancer a progressé ces 15 dernières années

Pour celles et ceux qui n’ont pas eu la chance de prévenir ou découvrir leur cancer à un stade précoce, la science a fait des progrès considérables ces 15 dernières années. Les techniques chirurgicales mini-invasives, la radiologie interventionnelle et la radiothérapie de pointe ont permis d’améliorer le traitement, de réduire les effets secondaires et de préserver la qualité de vie des patients atteints de cancer”, explique le chercheur. 

Il conclut : “L’immuno-oncologie, qui aide le système immunitaire à mieux détecter et détruire les cellules cancéreuses, représente un pas en avant important dans le traitement de plusieurs cancers, comme le mélanome, les cancers du rein, de la vessie et autres. Même si les nouvelles thérapies n’arrivent pas à complètement éradiquer le cancer, elles arrivent dans un nombre de cas à stabiliser la maladie et donner aux patients une chance de pouvoir vivre plus longtemps.”

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