Droits de l’Homme au Maroc en 2020 : le sombre bilan d’Amnesty International

Dans son rapport annuel sur les droits de l’Homme publié le 7 avril, Amnesty International dresse un tableau sombre du Maroc. Entre “répression de la dissidence”, “restrictions” à la liberté de la presse et “châtiments cruels, inhumains ou dégradants”, le royaume est sévèrement pointé du doigt par l’organisation internationale.

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En 2020, Amnesty International mettait au défi le gouvernement de trouver des lacunes dans son rapport. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

Ce mercredi 7 avril a été publié le rapport annuel d’Amnesty International intitulé “La situation des droits humains dans le monde”. Et ce tour du monde des violations des droits de l’Homme n’a pas épargné le Maroc. L’ONG avait déjà sévèrement critiqué certaines mesures marocaines par le passé, mais aujourd’hui, pour l’organisation, la pandémie n’a fait qu’amplifier la répression.

Répression virale

La propagation du coronavirus a permis au gouvernement marocain d’invoquer l’état d’urgence pour promulguer des décrets et des lois “sanctionnant pénalement l’expression légitime d’opinions concernant la pandémie”, indique Amnesty International. Le rapport indique que ces textes ont été appliqués rapidement, et les autorités ont poursuivi des personnes en justice pour “diffusion de fausses nouvelles” ou “entrave” aux décisions gouvernementales.

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Le gouvernement a aussi adopté en mars le décret-loi n°2.20.292, rendant passible d’une peine de trois mois d’emprisonnement et d’une amende de 1300 dirhams toute personne qui contrevient “aux prescriptions et aux décisions émanant des autorités publiques” ou qui “entrave l’exécution” de ces décisions “par des écrits, imprimés ou photos”.

Un décret qui a permis l’arrestation de Mohamed Bouzrou, Mohamed Chejii et Lahssen Lemrabti, administrateurs de la page d’actualité Fazaz 24 sur Facebook, arrêtés et inculpés pour deux publications dénonçant la gestion de la pandémie par les autorités locales. Il y a aussi le cas d’Omar Naji, représentant local de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Nador, arrêté pour diffusion “de fausses allégations ou de faits mensongers” et pour infraction à la loi sur l’état d’urgence sanitaire.

Le Covid-19 rime donc avec plus de répression des libertés dans nos contrées pour l’ONG, mais ce n’est pas tout. Pour le rapport, les autorités marocaines ont utilisé le tristement célèbre logiciel Pegasus, de NSO Group, pour s’en prendre au défenseur des droits humains et universitaire Maati Monjib et au journaliste indépendant Omar Radi. Des accusations qui avaient mis le feu aux poudres dans la relation entre Amnesty International et le Maroc en provoquant une bataille procédurière.

Le rapport recense également neuf hommes au moins, dont des rappeurs et des militants, qui ont été condamnés en janvier 2020 par divers tribunaux du pays à des peines allant de six mois à quatre ans d’emprisonnement pour des propos diffusés sur YouTube ou Facebook.

Droits des femmes et de la communauté LGBT

Le Maroc occupe la 144e place mondiale dans le Rapport mondial sur le “Gender Gap” (WEF), publié par le Forum économique mondial, restant dans la catégorie des faibles performances en termes d’égalité femmes-hommes. Un constat appuyé par Amnesty International qui affirme que les femmes marocaines continuent de subir des discriminations dans la législation et dans la pratique, et qu’elles sont toujours en butte à des violences sexuelles et autres liées au genre.

Malgré l’adoption, en 2018, de la loi n°103-13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes, ces mécanismes demeurent inefficaces et la violence persiste. Pendant le confinement, l’organisation des droits des femmes Mobilizing for Rights Associates (MRA) a fait état d’une dégradation de la situation des femmes victimes de violences au Maroc. Une période durant laquelle de nombreuses femmes se sont retrouvées enfermées avec leur bourreau.

En ce qui concerne les LGBT, l’article 489 du Code pénal érige toujours en infraction les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe. Cette interdiction juridique amène à un lynchage généralisé auquel les autorités marocaines ne réagissent pas, déplore l’ONG.

Liberté de culte

Pour Amnesty International, la prégnance de l’islam fait du Maroc un pays “peu tolérant” aux autres mouvances religieuses, mais surtout à toute forme d’athéisme ou d’agnosticisme qui se révéleraient critiques à l’égard de l’islam. Ainsi, le droit marocain réprime toujours l’“atteinte à la religion islamique”, qui reste passible de prison, rappelle l’ONG.

C’est dans ce contexte juridique que l’acteur Rafik Boubker a été arrêté en mai 2020 pour avoir mis en ligne une vidéo dans laquelle il tournait en ridicule des rituels de la religion islamique.