Restrictions sanitaires et ramadan : les associations caritatives s’adaptent tant bien que mal

Ramadan rime souvent avec bénévolat. Mais avec la pandémie, l’action caritative a connu des changements. Des restrictions sanitaires aux difficultés de financement, état des lieux du bénévolat en temps de Covid.

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En temps de Covid-19, les associations poursuivent leur mission solidaire. Crédit: DR

Le mois de ramadan est souvent l’occasion de se mener des actions bénévoles. Le cœur sur la main, des centaines de personnes se retrouvent chaque jour de ce mois sacré dans les enceintes des associations caritatives. Le but : préparer le ftour aux personnes les plus démunies qui pourront manger à leur faim quand l’heure de rompre le jeûne sera arrivée.

Mais cette année, la situation se complique. Avec l’instauration, jusqu’à nouvel ordre, d’un couvre-feu nocturne, les habitudes des associations sont chamboulées. Il n’est plus question de rassembler autant de monde qu’avant, situation sanitaire oblige. Et le ftour n’est plus préparé et distribué de la même manière, le couvre-feu démarrant à 20 heures. Tout un changement s’opère et n’est pas négligeable. L’occasion de demander à différents membres associatifs de nous parler de leur nouvelle façon d’appréhender le bénévolat en ces temps difficiles.

Bénévoles en temps de pandémie

Pour Amina L’Malih, présidente de l’association Bayti, qui œuvre pour les enfants en situation difficile, les choses ont sensiblement changé en temps de pandémie et l’association a vu sa vocation bousculée. Les actions que réalise normalement l’association consistent en effet à amener des enfants en situation difficile dans des centres d’hébergement où ils sont nourris, logés, et où le ftour leur est servi. Aujourd’hui, avec les mesures sanitaires, “aucun donateur ou bénévole de l’association ne peut venir partager le ftour avec les enfants”, déplore la présidente de Bayti.

“Nous travaillons d’habitude la nuit, mais avec le couvre-feu, nous faisons des maraudes le jour”

Amina L’Malih, présidente de Bayti

“Nous travaillons d’habitude la nuit, mais avec le couvre-feu, nous faisons des maraudes (tournées d’assistance pour aider les sans-abri, ndlr) le jour”, déclare-t-elle. “Les maraudes de nuit sont d’autant plus difficiles aujourd’hui que les enfants se cachent dans leurs refuges et sont difficiles à approcher le soir. Nous avons donc choisi d’agir le matin en proposant aux enfants des repas froids avant le couvre-feu qu’ils pourront manger pendant la rupture du jeûne”, conclut-elle.

Pour Hind Laidi, présidente de l’association Jood, qui agit pour la dignité des sans-abri en assurant leurs besoins élémentaires et en les aidant à la réinsertion socioprofessionnelle, la pandémie a signifié beaucoup de changements dans les actions de l’association.

Ainsi, le camion-douche de l’association qui garantissait une douche chaude, un coiffeur-barbier, le brossage des dents, la taillade des ongles et une tenue vestimentaire complète neuve a été mis à l’arrêt, de peur qu’il ne devienne un lieu de contamination.

Le camion-douche de Jood, lancé en 2019, est à l’arrêt.Crédit: Jood / Facebook

L’association a aussi pour particularité de se déployer sur le terrain pendant onze mois et d’être en congé pendant le mois de ramadan. Mais cette année, exceptionnellement, les équipes sont déployées quotidiennement sur le terrain pour fournir le ftour et le shour aux personnes dans le besoin. Le début de la pandémie a même, paradoxalement, signifié beaucoup plus de charges de travail pour l’association, nous informe la présidente.

“La préparation et la distribution des paniers de 35 kilos de denrées alimentaires pendant le ramadan est plus compliquée que d’habitude”

Selwa Zine, présidente de Baraka Angels

Pour sa part, Selwa Zine, présidente de Baraka Angels, qui vise notamment à faciliter l’accès aux denrées alimentaires pendant les périodes de froid et pendant le ramadan aux communautés habitant en zones montagneuses enclavées, la pandémie de Covid-19 et son lot de restrictions ont rendu plus difficiles les actions de l’association.

“La préparation et la distribution des paniers de 35 kilos de denrées alimentaires pendant le ramadan est plus compliquée que d’habitude”, souligne Selwa Zine. Il fallait en effet instaurer des mesures de sécurité et d’hygiène très strictes afin “d’éviter tout risque de contamination chez nos équipes comme chez nos bénéficiaires”, affirme-t-elle. Chose qui n’est pas aisée, mais depuis le début de la pandémie, “nous nous sommes peu à peu rodés à l’exercice”, indique-t-elle.

Pour ce qui est du couvre-feu, l’association n’a pas réellement été impactée. “Nous ne travaillons jamais de nuit et si jamais il nous arrive de prendre la route le soir depuis ou vers les villages que nous desservons, nous sommes munis de dérogations spéciales de déplacement”, conclut-elle.

Financement par dons

Toute association a besoin de financement pour ses activités. La pandémie a compliqué le processus de financement de certaines associations qui se retrouvent dans le rouge. Heureusement, des donateurs sont mobilisés pour les aider à poursuivre leur mission.

C’est ce que nous confie Amina L’Malih : l’association Bayti connaît une grande crise. Actuellement, l’association diffuse des messages sur les réseaux sociaux visant des particuliers pour des parrainages synonymes de soutien financier pour l’association.

“Nous n’avons aucune subvention étatique”

Hind Laidi, présidente de Jood

Pour sa part, Hind Laidi nous affirme que l’assiette financière de l’association Jood repose à 90 % sur des dons de particuliers et 10 % provenant des entreprises. “Nous n’avons aucune subvention étatique”, indique-t-elle. Au début de la pandémie, “il y a eu un élan de solidarité incroyable avec des dons en argent et en nature que nous recevions quotidiennement”, se souvient la présidente. Mais malheureusement, “cet élan s’est vite essoufflé, en témoigne ce ramadan où l’on reçoit très peu de dons et où la crise commence à se faire sentir”, déplore-t-elle.

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Selwa Zine, elle, nous informe que la pandémie n’a rien changé aux moyens de financement de l’association Baraka Angels. En effet, les actions de l’association sont portées principalement par des citoyens qui, de manière individuelle, “contribuent aux besoins selon ce qu’ils peuvent se permettre”, indique-t-elle. Pour les caravanes alimentaires de l’association, “deux ou trois entreprises agroalimentaires contribuent à nos besoins en nous remettant des dons en nature”, ajoute la présidente associative.

Pour les actions qui portent sur l’éducation et donc les écoles, “nous organisons de grandes collectes de fonds et mettons en place des partenariats avec des PME qui prennent en charge une partie du budget de rénovation, d’aménagement ou encore des travaux d’accès à l’eau et l’électricité”, conclut-elle.