Ce sera soit le Maroc soit Brahim Ghali : les menaces de Nasser Bourita à l’Espagne

Dans un entretien accordé à l’agence de presse EFE, le ministre des Affaires étrangères a clairement condamné la décision prise par l’Espagne d’accueillir Brahim Ghali sur son territoire. Selon le diplomate, l’attitude espagnole pourrait lourdement affecter les relations entre les deux pays.

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Le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita. Crédit: Tniouni/TELQUEL

C’est un entretien significatif qu’a accordé le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, à l’agence de presse espagnole EFE. Une interview qui a lieu dans un contexte de tensions entre le Maroc et l’Espagne alors que Madrid a récemment accueilli le leader du Polisario, Brahim Ghali, pour “raisons humanitaires” pour que ce dernier puisse se faire soigner dans un hôpital espagnol.

Dans cet entretien, Nasser Bourita indique tout d’abord ne pas avoir reçu de “réponses satisfaisantes et convaincantes” aux multiples questions que le ministère des Affaires étrangères marocain a adressées à son équivalent espagnol par le biais d’un communiqué publié le 25 avril. Dans cette communication, la diplomatie marocaine se posait cette série de questions :

– Pourquoi le dénommé Brahim Ghali a-t-il été admis en Espagne en catimini et avec un faux passeport ?

– Pourquoi l’Espagne a-t-elle jugé utile de ne pas en aviser le Maroc ?

– Pourquoi a-t-elle a opté pour son admission sous une fausse identité ?

– Pourquoi la justice espagnole n’a-t-elle pas encore réagi aux nombreuses plaintes déposées par les victimes ?

En l’absence de réponse, le diplomate vient à se demander si l’Espagne “souhaite sacrifier sa relation bilatérale” avec le Maroc. Bourita déplore également que Madrid n’ait pas pris eu le temps de consulter le Maroc quant à l’accueil du leader du Polisario préférant “coordonner” ses actions avec les adversaires du royaume. Une référence à l’Algérie qui a accordé un faux passeport diplomatique au leader du Polisario dans le cadre de son déplacement.

Pour le ministre des Affaires étrangères, cette crise entre les deux pays est un véritable test pour leur relation bilatérale. “Nous allons voir si la réalité et la sincérité de notre relation n’est pas juste un slogan” avertit le ministre qui rappelle que le Maroc a soutenu l’Espagne face aux velléités indépendantistes catalanes.

“Lorsque l’Espagne a dû faire face au séparatisme (catalan, ndlr), le Maroc a été très clair au plus haut niveau. Nous avons rejeté tout contact et toute interaction avec eux tout en informant nos partenaires (espagnols, ndlr). Quand ils (les Catalans, ndlr) ont demandé à être reçu nous avons exigé la présence d’un représentant de l’ambassade d’Espagne” assure Nasser Bourita.

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Pas de “relation à la carte”

Pour Nasser Bourita, l’Espagne en acceptant d’accueillir Brahim Ghali a également décidé de “fermer les yeux” sur les “atrocités” dont le leader du Polisario est accusé. “C’est un violeur qui a toléré l’esclavage, la torture, le recours aux enfants-soldats et au génocide et cela l’Espagne le sait plus que tout le monde. L’Espagne veut-elle sacrifier sa relation avec le Maroc pour cette personne ?” s’interroge le diplomate.

D’autant que pour Nasser Bourita, Madrid ne peut pas décider d’avoir une “relation à la carte” avec le Maroc alors que les liens entre les deux pays sont à la fois “politiques, économiques, commerciaux, humains et sécuritaires”. “Lorsqu’il s’agit de manigancer avec l’Algérie et le Polisario, le Maroc est en dehors des radars, mais lorsqu’il s’agit de parler de migration ou de terrorisme le Maroc devient de nouveau important”, résume le diplomate.

Au-delà de la crise maroco-espagnole, l’hospitalisation de Brahim Ghali est pour Nasser Bourita une preuve du “double visage” montré par le Polisario. “Leurs dirigeants ont le droit à un avion privé et à une fausse identité (pour voyager en Espagne, ndlr) alors que la population à Tindouf n’a même pas accès aux gels hydroalcooliques alors qu’ils sont touchés par le Covid dans l’indifférence la plus totale”, dénonce le ministre des Affaires étrangères.

Le 22 avril dernier, le média Jeune Afrique révélait que le leader du Polisario, Brahim Ghali, avait été hospitalisé à Saragosse, en Espagne, sous un nom d’emprunt. Âgé de 73 ans, Brahim Ghali souffrirait selon le média panafricain d’un cancer de l’appareil digestif depuis plusieurs années. En Espagne, il est hospitalisé sous le nom d’emprunt de Mohamed Ben Battouche, de nationalité algérienne selon la même source.

L’Allemagne, où le président algérien Abdelmadjid Tebboune a été hospitalisé plusieurs mois, a refusé d’accueillir Brahim Ghali. Après intervention de Abdelmadjid Tebboune auprès du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, et l’assurance qu’il ne serait pas inquiété par la justice, Brahim Ghali a été transféré en Espagne à bord d’un avion médicalisé affrété par la présidence algérienne, accompagné d’une équipe médicale algérienne.