Le titre choisi ne souffre d’aucune ambiguïté : “Une faveur à l’Algérie qui empoisonne les relations avec le Maroc”. Dans un article publié ce mardi 11 mai, le quotidien espagnol El País raconte les coulisses du transfert du leader du Front Polisario, Brahim Ghali, hospitalisé depuis fin avril à l’hôpital de San Pedro de Logroño, près de Saragosse.
Il aurait ainsi débarqué le 18 avril à la base aérienne de Saragosse, d’après le quotidien de référence en Espagne, là où Jeune Afrique, à l’origine des révélations, évoquait la date du 21 avril. Brahim Ghali serait arrivé en Espagne à bord d’un avion de la présidence algérienne.
Emmené sous escorte policière jusqu’à l’hôpital, El País confirme que Brahim Ghali s’est bien inscrit sous le nom d’emprunt d’un citoyen algérien — Mohamed Ben Battouche — “pour des raisons de sécurité”. Et de préciser : “Le dirigeant du Polisario, selon les sources consultées, est entré en Espagne avec son identité et son passeport diplomatique.”
Entre réticence et manque de temps
D’après El País, c’est Sabri Boukadoum, ministre algérien des Affaires étrangères qui en aurait formulé la demande aux autorités espagnoles lors de sa visite officielle à Madrid, début avril. Le chef de la diplomatie algérienne aurait “imploré” la prise en charge de Ghali en Espagne, ce dernier étant “gravement malade du Covid et en danger de mort”, écrit le quotidien espagnol.
“La délicate demande a été analysée au plus haut niveau et, malgré les réticences du ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, elle a reçu le feu vert ‘pour des raisons strictement humanitaires’”
“La délicate demande a été analysée au plus haut niveau et, malgré les réticences du ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, elle a reçu le feu vert ‘pour des raisons strictement humanitaires’”, poursuit El País citant des sources diplomatiques. Le quotidien évoque également le “caractère stratégique” des relations espagnoles avec l’Algérie, premier fournisseur de gaz sur le marché espagnol.
La ministre des Affaires étrangères, Arancha González Laya, aurait prévu de le communiquer à son homologue marocain, Nasser Bourita, “mais l’affaire a éclaté avant qu’elle n’ait pu”, écrit El País, citant des sources gouvernementales.
Des relations bilatérales ébranlées
Selon le quotidien, Madrid n’aurait pas non plus digéré que Rabat ne l’ait pas prévenu de la reconnaissance américaine de souveraineté sur le Sahara et du rapprochement marocain avec Israël, acté le 10 décembre 2020. Des annonces “qui ont surpris la ministre espagnole (des affaires étrangères, ndlr) en visite en Israël”, les 9 et 10 décembre.
Pour l’heure, certaines réunions bilatérales “à caractère technique” entre Madrid et Rabat ont été suspendues, comme conséquence du refroidissement des relations. Cependant, “rien n’indique que les domaines les plus sensibles tels que la coopération en matière de lutte contre l’immigration clandestine ou du djihadisme ont souffert” de cet épisode.
Quant à Brahim Ghali, il se remettrait du coronavirus et est convoqué devant le juge de l’Audiencia Nacional, la plus haute juridiction espagnole, pour être entendu. Confondu par la police, Brahim Ghali est poursuivi en Espagne, depuis 2006, pour délit de génocide, assassinats et tortures suite à une plainte déposée par trois Sahraouis ayant vécu dans les camps de Tindouf.
L’homme fait également l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par la justice espagnole en novembre 2016, quelques mois après son arrivée à la tête du Polisario.