Badr Hari : «Tout ce que je voulais, c'était aider mes parents»

Même détendu et souriant, Badr Hari est impressionnant. Faire face à un bonhomme qui affiche 88 KO pour 111 combats est une expérience qui vous enseigne l’humilité. Pote de Ronaldo et Benzema, idole de Maradona, rencontre avec une icône de la culture foot.

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Réda Allali et Badr Hari dans les studios de Radio Mars. Photo : Omar Taïbi

Quand on lui demande de nous expliquer son sport, le K1, il répond qu’en gros il s’agit de bagarre, tout simplement. A force de glorieuses bagarres, donc, il est devenu l’idole des banlieues européennes, l’homme au côté duquel  les footballeurs aiment s’afficher, celui que les rappeurs aiment chanter. La Fouine par exemple : «  A part Dieu j’ai peur de personne / J’lis la peur dans tes yeux quand le gong sonne / Un Marocain va te faire manger le sol ». Voici l’interview de l’homme qu’on ne contredit pas.

Tu as joué au foot ?

Non, pas trop…

Même pas dans ton quartier natal, à Amsterdam, avec tes potes ?

Oui, ça, bien sûr, dans la rue. Juste en défense, le ballon pouvait passer, mais pas le joueur. C’était ça ma place, je n’étais pas vraiment un buteur. A sept ou huit ans, mon père m’a fait débuter dans les arts martiaux. C’était simple, un sport que tout le monde peut comprendre, un sport pas cher, tu n’as besoin ni de crampons, ni de raquette. Tu mets un short et tu vas te battre…

Tu imaginais atteindre ce niveau ?

Quand j’avais 11 ans, dans ma salle d’entraînement, il y avait le poster d’un champion hollandais, Peter Aerts, qui avait gagné un tournoi au Japon et posait avec un chèque de 100 000 dollars je pense… Je regardais ça et me disais qu’avec une telle somme je pouvais régler tous les problèmes de la famille. C’était un rêve, mais je savais que j’allais y arriver quoi qu’il arrive. Je m’entraînais tout le temps. Quand l’école appelait mes parents pour dire que je n’allais pas en cours, mon père savait où me trouver. Il venait directement me chercher à la salle d’entraînement. Dès le départ, j’étais doué, mais après ça ne suffit pas forcément.

Qu’est-ce qui t’a poussé à réussir, alors ?

La faim. Quand tu viens d’un endroit où tu manques de tout, dans un pays qui n’est pas facile, quand tu sais que tu n’es pas fait pour les études, que tu ne dépasseras jamais les Européens sur ce plan… Mais tu sais que tu peux y arriver par le sport. Tu sais que tu as un bon direct, c’est ce qui va te permettre d’échapper à la faim…

Aujourd’hui, beaucoup de footballeurs sont fans de toi, comment tu l’expliques ?

Je ne sais pas, je ne peux pas te répondre. Il y a beaucoup de footballeurs qui adorent mon sport, c’est vrai. Moi aussi j’adore le foot.

Tu regardes des matchs ?

Oui, surtout la Liga, je suis un supporter du Real, et ça date de Zidane en fait. Un des meilleurs footballeurs de l’histoire. Mon amitié avec Ronaldo est venue après.

Tu regardes les matchs de la Botola ?

Non, mais j’ai vu le Raja en Coupe du monde des clubs… Ils m’ont plu, Iajour, Askri, Moutaouali, j’ai vu leurs matchs… Contre le Bayern, c’était dur. Je regardais le match et j’étais énervé, je voulais les aider. Si j’avais été là, j’aurais pris un rouge car j’aurai envoyé Ribéry à l’hôpital, on aurait fini match nul (rires)… Mais bon, on ne peut pas lutter avec une équipe comme le Bayern, qui tourne avec des milliards. On rigole mais je respecte vraiment ce qu’ils ont fait, ils sont allés au maximum, et même plus…

Il y a une vidéo de Taârabt, Balotelli et Kaka qui te soutiennent pour ton prochain combat, tu te sens proche des stars du foot ?

Oui, on est des sportifs, on a la même vie. Il y a aussi le fait de ne pas pouvoir vivre ta vie normalement, de jouer un rôle en public, de paraître toujours souriant. On ne peut pas être soi-même. Mais quand on est entre nous, qu’on enlève les masques, on est tous les mêmes.

Tu es un champion marocain, musulman, tu penses que les jeunes des banlieues européennes qui t’adorent s’identifient à toi, qu’ils trouvent une revanche par rapport à leur situation ?

Je comprends très bien ce que tu veux dire, mais je ne veux représenter personne. Si je peux leur donner un conseil, c’est de rester fidèles à eux-mêmes, de ne jamais oublier d’où ils viennent. Mais c’est vrai que quand tu viens d’un quartier comme le mien, et que tu vois que j’ai pu réussir, ça peut servir d’exemple, ça je le comprends.

Ça peut être une pression aussi ?

Il ne faut pas trop y penser, ça donne trop de responsabilités, c’est lourd. Quand j’aurai fini ma carrière, oui, j’y réfléchirai, je penserai à mon rôle, j’essayerai d’aider les gens de ma communauté. Quand j’avais 15 ans, si tu étais venu me voir pour me dire qu’il y aurait des chansons sur moi, que les stars du foot me respecteraient, je t’aurais traité de menteur.

Dans sa biographie, Mike Tyson a raconté qu’il était prêt à tuer en entrant sur le ring, tu es comma ça ?

C’est ce qu’il dit, oui, mais ce qu’il veut dire vraiment c’est qu’il était prêt à mourir au combat, qu’il était prêt à aller au bout pour gagner, qu’il était prêt à y laisser sa peau…

Il rêvait de la ceinture de champion du monde, et toi ?

Je n’avais pas de rêve aussi précis, tout ce que je voulais, c’était aider mes parents. Leur situation, c’était comme une blessure, une souffrance. Ils ont eu une vie dure en Hollande, il fallait élever quatre enfants dans un petit logement. Mon père ne bossait pas, ma mère travaillait dans le nettoyage. Elle ne peut toujours pas regarder mes combats. Mon père, oui, il vient mais il peut en devenir malade…

Il y a des gens à qui tu voudrais bien coller une raclée ? Des gens en dehors du sport, des gens qui t’énervent ?

Oh oui, deux ou trois. Ils sont dans la politique. Ils font du mal à notre race, à notre religion. Mais je ne peux pas te donner leurs noms, il ne faut pas leur montrer qu’ils nous touchent, qu’ils nous font du mal…

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