Zakaria Boualem, Trump et le foot

Par Réda Allali

Zakaria Boualem est un peu inquiet, les amis. Au début, ce type le faisait ricaner. Tout en lui était grotesque. Ses promesses, sa coupe de cheveux, sa vision du monde, ses cravates, sa grossièreté, ses mimiques et ses émissions de télé. Le type a mené campagne en insultant les femmes, les Mexicains, les journalistes, et une quantité de gens qu’il est impossible de lister ici. C’était spectaculaire. Puis il a été élu, et le Boualem — qui a toujours beaucoup de mal à prendre au sérieux le monde qui l’entoure — s’est aussitôt dit qu’on allait bien rigoler. Mais là, aujourd’hui, devant la puissance du fait tel qu’il se dresse devant nous, il est inquiet. Il sent un vent mauvais s’abattre sur cette pauvre planète. Sa plus spectaculaire décision, vous le savez, a été d’interdire d’entrée sur son territoire les ressortissants de sept pays musulmans. Il a fait ça un beau matin, soudain, en expliquant sur Twitter que s’il avait prévenu avant, des “méchants” auraient pu profiter du délai pour traverser ses frontières. Oui, les amis, le président des États-Unis d’Amérique fait des tweets où il parle des “méchants”, voilà où nous en sommes. Il fut un temps où les dirigeants de ce monde éblouissaient leurs contemporains par leur élocution, la vivacité de leur pensée ou leur courage politique, aujourd’hui on nous parle des “méchants” comme dans les dessins animés, il est difficile de parler de progrès.

Donc, les Irakiens, par exemple, ne peuvent plus aller aux États-Unis. Dommage qu’ils n’aient pas pensé à prendre eux-mêmes une telle mesure il y a une quinzaine d’années contre les Américains, ils auraient échappé à une invasion, les pauvres, et à pas mal de problèmes. On ironise, hein, parce qu’ils y seraient sans doute allés quand même, les Américains. Ce sont eux qui font les lois, les bougnoules peuvent se contenter de s’y soumettre, voilà comment ça marche. Apparemment, c’est parti pour passer à la vitesse supérieure. C’est une mauvaise idée, parce que les musulmans sont susceptibles. Zakaria Boualem le sait, il en est un lui-même. Peut-être que ce président est mal informé, il faut donc lui faire passer le message qu’une méthode de protection basée sur l’humiliation est rarement une solution, et merci.

Sans la moindre transition, il faut ici rendre hommage à notre glorieux mountakhab qui s’est fait éliminer en quart de finale de la Coupe d’Afrique par l’Égypte. Privés de victoires depuis une douzaine d’années, les Marocains se sont réconciliés avec leur équipe, c’est une très bonne chose. Il faut dire qu’à la place des habituelles divas, nous avons eu droit à une brave poignée de goumiers, vaillants et surmotivés, au talent incertain mais au cœur énorme. Bravo à eux. Une réserve toutefois (vous savez que Zakaria Boualem ne peut pas s’en empêcher) : un match contre l’Égypte, ce n’est pas exactement ce qui s’est passé dimanche dernier. Pour la validation de cette confrontation telle que les statuts en ont été écrits par les générations précédentes, il aurait fallu quelques coups bas, une bonne dose de mauvaise foi, des simulations en abondance, des insultes en continu, un arbitrage fantaisiste, de l’hystérie journalistique, et pourquoi pas quelques crachats hachakoum. Rien à voir avec l’aimable réunion de gentlemen qui s’est déroulée au Gabon, dégoulinante d’esprit sportif et qui s’est terminée par des bisous. Il faut espérer que ni Noureddine Naybet ni Houssam Hassan n’ont assisté à la destruction du noble esprit qu’ils ont mis tant d’énergie à instaurer. Zakaria Boualem, vous vous en doutez, milite pour le retour à ces valeurs historiques, et c’est tout pour cette semaine, et merci.