Comment dire une chose et son contraire en l’espace de quelques mois, voire quelques semaines. Comment se désavouer sans sourciller. Voilà des modes d’emploi que notre Exécutif peut rédiger et illustrer avec brio. C’était seulement en mai dernier. La Banque Mondiale présentait un mémorandum sur le modèle de développement du Maroc avec comme titre “Le Maroc à l’horizon 2040 – Investir dans le capital immatériel pour accélérer l’émergence économique”. La solution proposée par l’institution basée à Washington est dans le titre, et est difficilement contestable. Eh bien voyez-vous, notre Chef du gouvernement a boycotté la présentation de ce rapport. Lahcen Daoudi, ministre délégué aux Affaires générales, a clairement signifié que ce rapport n’avait pas l’adhésion de l’Exécutif. Notre ministre de l’Industrie, lui, a déclaré : “Il ne s’agit pas de traverser des couloirs puis de donner des leçons”, à l’adresse des experts de la Banque Mondiale. C’était donc il y a six mois. Aucun responsable public n’a pris en compte les critiques — justes et étayées — de ce rapport, ni même estimé que certaines propositions pouvaient être pertinentes. Rejeter la critique et avec elle les chances de s’en sortir. Aujourd’hui, Saâd-Eddine El Othmani rue dans les brancards pour créer une commission — spécialité développée sous son mandat — qui se penchera sur notre modèle de développement. Qu’est-ce qui a changé depuis mai ? Un discours royal bien sûr.
Il a fallu que le roi remette en cause l’efficacité du modèle de développement du Maroc, dans son discours du 13 octobre, pour qu’ils s’y mettent tous. Notre ministre de l’Economie, Mohamed Boussaïd, a soudainement découvert les limites de notre modèle, il en a ciblé cinq, présentées lors de la conférence-débat organisée par le Mouvement Damir le 27 octobre. Avant les paroles de Mohammed VI, ces limites n’existaient pas. Ou bien notre ministre a découvert la liberté de parole. Il y a même certaines personnalités qui ont récemment fait appel à des cabinets de conseil pour imaginer des solutions à ce modèle de développement. Plaire et contenter le roi. Se taire ou flatter. Ce sont les seules choses à attendre des ministres aujourd’hui. Jamais ils n’imaginent que la monarchie et les Marocains devraient avoir des intérêts convergents. Que Mohammed VI n’a pas besoin de flatterie mais de sincérité et d’engagement. Par leur comportement, ils sont les artisans de la contestation. Alors cessons cette comédie, cette illusion de fonctionnement démocratique de l’Exécutif. En son sein, il n’y a ni audace, ni compétences pointues pour imaginer un nouveau modèle de développement pour le Maroc. Il y a seulement l’attente d’instructions.
Comme tout ne peut donc venir que du roi, et qu’il est désormais inutile de blâmer le Palais ou les partis politiques pour cette situation, il faut faire preuve de pragmatisme pour le bien des Marocains. Ils méritent un programme de prospérité, et ils sont de plus en plus nombreux à l’exiger. C’est un chantier que le chef de l’Etat doit lancer et mener. Il y a des arbitrages et des choix à faire que Mohammed VI est le seul à pouvoir assumer. Dans les années 1990, Hassan II avait constitué un G14, un groupe d’experts jeunes pour l’aider à réformer l’économie. Mohammed VI a besoin de son équivalent aujourd’hui.