Liberté de culte, égalité dans l’héritage... Ce que propose le mouvement Damir

Le mouvement Damir a présenté, le 20 novembre à la Bibliothèque nationale de Rabat, un mémorandum proposant des mesures pour le nouveau modèle de développement.

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Le poète et militant des droits humains Salah El Ouadie, fondateur du mouvement Damir. Crédit: Yassine Toumi/TELQUEL

Le mouvement citoyen Damir a présenté, mercredi 20 novembre à la Bibliothèque nationale de Rabat, un mémorandum intitulé “Le Maroc que nous voulons…” Une première présentation publique pour ce document achevé en juin dernier et présenté au Cabinet royal en juillet 2019.

Le document présente, en plusieurs points, des recommandations et des propositions portant sur le changement de modèle de développement sur trois axes principaux : le politique, le social et l’économie. Héritage, droit à l’avortement, libertés religieuses, lutte contre la corruption, réforme du système judiciaire…

La présentation de ce mémorandum s’est tenue au lendemain du lancement officiel de la “Commission spéciale chargée du modèle de développement”, avec la nomination de l’ancien ministre de l’Intérieur et ambassadeur à Paris, Chakib Benmoussa. Une « coïncidence » selon Salah El Ouadie, fondateur et président du mouvement. Mais que dit le rapport ?

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Assainir le champ politique

Le mouvement Damir observe que “l’échec du modèle de développement de notre pays n’est pas de nature exclusivement économique”, estimant que “l’évaluation royale est aussi une reconnaissance implicite de l’échec du modèle politique et de la gouvernance publique”.

En considérant que la monarchie est un gage de stabilité et d’unité nationale, ils estiment que “la proximité relationnelle avec la personne du roi doit imposer aux personnes concernées un devoir de réserve, tant sur l’échiquier politique que dans le monde des affaires. Nul Marocain ne doit pouvoir se prévaloir de cette proximité pour tirer un avantage indu dans sa relation à un autre Marocain”. Et de proposer, sans plus de détail, un encadrement législatif de cette question, et la signature par les personnes concernées de “codes de déontologie”.

Ils invitent également à légiférer pour “empêcher de façon draconienne et sanctionner sévèrement la confusion du religieux avec l’action publique”, sans remettre en cause les valeurs de l’islam, mais plutôt “l’instrumentalisation des textes religieux selon l’humeur et les intérêts du moment, comme arguments d’intérêt dans les débats politiques publics et électoraux”.

Le mouvement propose ainsi une “loi de moralisation de la vie publique” comportant six mesures, dont le plafonnement du financement privé des partis politiques et l’augmentation, l’interdiction pour les élus “d’exercer des activités à caractère commerciales” ou encore d’interdire à tout élu ou haut responsable de la fonction publique d’embaucher un membre de sa famille.

Apparaissent également des recommandations portant sur la refonte du système judiciaire, sur le découpage des circonscriptions territoriales ou la reconnaissance du vote blanc.

Réformer la société 

Nous devons introduire dans notre droit positif une nette distinction entre l’acte illégal, que la société doit légitimement réprimander, et l’acte considéré non conforme à la morale convenue, que la conscience individuelle, seule, doit interroger sans la crainte d’une sanction publique”, déclare le mouvement Damir à propos de l’aspect sociétal du modèle de développement défendu.

Il s’agit, entre autres, d’interdire mariage des jeunes filles mineures, d’établir le droit des femmes à l’avortement, d’accorder des droits aux mères célibataires et à leurs enfants, de dépénaliser les “relations libres entre adultes consentants”, de “criminaliser le viol conjugal et accorder des protections légales aux femmes victimes de ce type de violence”. Le mémorandum recommande aussi de renforcer la “liberté de conscience et de culte”, d’améliorer l’intégration des étrangers, de valoriser la langue et la culture amazighes et de faire du secteur de la santé et de l’éducation des priorités nationales.

Autre proposition saillante, la mise en place d’une période transitoire de trois à cinq ans au cours de laquelle seraient mis en place “deux régimes de succession distincts : l’un construit sur les règles du droit musulman avec une double part réservée à l’homme par rapport à la femme, et l’autre fondé sur une égalité parfaite entre les deux sexes sans possibilité juridique de déshériter l’un des ayants droit”. Le second régime serait facultatif et deviendrait, à l’issue de la période transitoire, le régime principal. Celui sur la double part réservée aux hommes deviendrait alors facultatif.

L’esprit du texte rappelle certaines recommandations formulées par le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) le 29 octobre dernier, comme la dépénalisation des relations sexuelles hors mariage ou la reconnaissance du viol conjugal. “Nous soutenons ce mémorandum. D’ailleurs, le nôtre, qui a été présenté au Cabinet royal il y a quatre mois, avait déjà soulevé toutes ces questions. Nous n’avions pas idée de ce que le CNDH allait présenter”, précise Salah El Ouadie.

Transformer l’économie

L’une des premières idées avancées est de créer un climat de confiance favorable aux entreprises marocaines afin de créer de l’emploi. Les auteurs du mémorandum considèrent que le “pays est face à une double problématique : celle de la production de richesses et celle de la redistribution […] à l’intérieur de l’entreprise et entre les entreprises”. Simplifier les normes administratives, rendre le processus de décision transparent, renforcer les compétences et la gouvernance qui animent le système bancaire sont également des points évoqués par le mouvement Damir.

Au niveau de l’Etat, l’idée est d’améliorer l’utilisation des ressources pour établir une “rationalisation de la dépense publique” en créant un Conseil de modernisation des politiques publiques chargé de la réforme de l’Etat, et une série d’autres mesures, dont “la baisse progressive des effectifs de la fonction publique nationale et territoriale (en rapport avec les départs naturels à la retraite)”.

Débats et agrégation

La prochaine étape pour le collectif sera de “conduire une série de débats dans chacune des 12 régions du royaume, après avoir pris le soin de soumettre au préalable cette première version du projet de modèle de développement à la commission ad hoc constituée au niveau du Cabinet royal”, comme précisé dans son mémorandum. A l’issue de cette tournée régionale, un rapport final sera réalisé à partir des “recommandations puisées au plus près des citoyens”.

Pour Salah El Ouadie, les réflexions sur le nouveau modèle développement ne peuvent être “uniquement le fruit d’une commission d’experts. Ce sont des ONG, des chercheurs, des universitaires, les Marocains face à leur destinée…” Il explique : “Si nous voulons donner plus de crédibilité, il faut écouter la voix des élites régionales, on ne peut pas porter uniquement la voix de l’axe Casa-Rabat-Kénitra, sans écouter les gens des autres régions.

Le mémorandum fixe 2040 comme objectif pour la transformation du Maroc, dans l’optique d’accroître le poids du pays sur la scène internationale.

 

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