En réunion de la Commission des finances le 23 avril, le ministre du Commerce et de l’Industrie Moulay Hafid Elalamy était invité par les parlementaires à s’expliquer sur la politique de distribution des masques.
Le technocrate coloré RNI ne s’est pas laissé intimider par les questions sur les soupçons de fraudes ou de favoritisme. L’ancien homme d’affaires s’est montré franc, voire sévère. Durant une heure d’intervention, les menaces ont fusé : contre les colporteurs de fake-news, contre les fraudeurs, contre les spéculateurs.
Pour un public qui s’est habitué à un MHE au discours policé, serinant l’extraordinaire réussite de l’industrie automobile marocaine, cette dernière sortie a de quoi surprendre. Les prémices de cette lente transformation de businessman en homme d’État sont déjà apparues il y a quelques mois, lorsqu’il est parti en croisade contre la Turquie au sujet de l’ALE (Accord de libre-échange entre les deux pays).
Jeudi 23 avril au Parlement, sa croisade était contre les ennemis de l’intérieur, c’est-à-dire tous ceux qui s’entreposent entre les masques et les Marocains. Le ministre a cependant gardé quelques habitudes : le ton lent qui se veut pédagogique, la gestuelle, le costume sur-mesure couleur bleu-marine.
“J’assume”
Concernant les fabricants de masques sélectionnés par le ministère, MHE tient à préciser : “Il y a des personnes qui disent que nous n’avons pris que nos amis. Montrez-en-nous d’autres qui ont les mêmes machines”, a lancé le ministre.
“Si quelqu’un vous dit qu’il nous a proposé de fabriquer des masques et que le ministère a refusé, il vous ment”, a insisté le ministre, avant de poursuivre : “Mais si c’est pour laisser n’importe qui fabriquer n’importe quoi et donner aux Marocains des masques contrefaits, comme ce qui s’est passé dans d’autres pays, c’est impossible.”
MHE est revenu sur le désordre des premiers jours de la distribution des masques. “Il y a des personnes qui ont acheté 10, 20 ou 30 paquets de masques pour les revendre. On les a jetés en prison”, raconte-t-il. “J’ai cherché une autre solution pour les faire parvenir au citoyen, et j’en assume la responsabilité.”
“Si quelqu’un a quelque chose à dire, qu’il vienne me le dire”
Le ministre choisira donc la distribution à travers les grandes entreprises laitières, Centrale Danone et Copag. “Ces entreprises ont non seulement travaillé gratuitement, mais leurs employés se sont fait agresser. Les vitres de leurs camions ont été cassées, leurs chauffeurs tabassés”, relate le ministre. Avant de rebondir : “N’est-ce pas une honte de dire qu’on les a privilégiés ? On les a entraînés dans le pétrin plutôt !”
Évoquant la désignation des plateformes logistiques, il affirme sans ciller : “Elles ont été choisies sans appel d’offres et j’en assume l’entière responsabilité. Si quelqu’un a quelque chose à dire, qu’il vienne me le dire.”
“On les a dressés !”
Concernant des tentatives d’exportation de masques, MHE s’est montré on ne peut plus clair. “Vous croyez que n’importe qui peut exporter ? On a fermé la porte aux exportations. Vous croyez que dans cette situation, quelqu’un peut venir jouer avec moi en disant qu’il va sortir la marchandise ? Qu’il essaie de le faire ! On a saisi des quantités de marchandises. Maintenant, ils ont été dressés, personne ne tente plus de s’approcher des douanes.”
Parmi ces “étourdis” qui ont tenté de jouer avec le ministre et qui s’y sont cassé les dents, les entreprises étrangères. “J’ai découvert, à travers une saisie de la douane, l’existence de compagnies étrangères qui importaient le tissu, fabriquaient des masques au Maroc pour les revendre ensuite à l’étranger. J’ai conditionné la poursuite de leur activité sur le territoire. Pour pouvoir vendre à l’étranger, elles doivent dédier la moitié de leur production au marché marocain. Ils ont pleuré, crié, refusé, m’ont envoyé leurs ambassadeurs… et j’ai quand même refusé. Ces entreprises ont fini par céder.”
Pour les entrepreneurs qui détournent les indemnités de la CNSS pour perte d’emploi, le ministre ne tergiverse pas non plus : “Il faut les envoyer en prison !”
Tel un phœnix
Les parlementaires ont eu droit à un MHE intraitable, mais aussi à un MHE optimiste. “Cette période de crise sera dure pour nous tous. Nous pouvons l’envisager comme une épreuve ou comme une opportunité pour le changement. Personnellement, je vois en ce moment une opportunité.”
“Actuellement, nous menons des discussions avec des investisseurs chinois de haut niveau. Nos discussions portent sur le plus gros investissement que nous avons vu jusqu’à maintenant. Ce sont des acteurs internationaux que nous n’envisagions même pas auparavant”, annonce le ministre. Aucun détail de plus ne sera donné quant à ce fameux investisseur chinois.