Oxfam propose un plan pour un accès équitable aux futurs vaccins

À quatre jours de l’Assemblée mondiale de la santé, l’ONG Oxfam appelle à la mise en place d’un plan mondial visant à assurer une distribution équitable des éventuels vaccins et traitements qui seront découverts pour lutter contre le coronavirus.

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La course au vaccin contre le coronavirus mobilise des chercheurs du monde entier. Ici dans un laboratoire à Pékin, le 29 avril. Crédit: AFP

L’Organisation non gouvernementale (ONG) Oxfam “exhorte les gouvernements et les compagnies pharmaceutiques à garantir que les vaccins, les tests et les traitements ne seront pas brevetés et qu’ils seront distribués équitablement entre l’ensemble des nations et des peuples”, dans communiqué publié ce jeudi 14 mai.

L’ONG interpelle ainsi les États qui se réuniront par visioconférence lundi 18 mai et mardi 19 mai, à l’occasion de la 73e édition de l’Assemblée mondiale de la santé organisée chaque année par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les invitant à collaborer de manière à garantir pour tous les pays l’accès aux traitements, vaccins et moyens de protections contre le Covid-19.

Partage éthique

L’organisation s’inquiète en effet de la manière dont les éventuels traitements seront répartis entre les pays. En se référant aux estimations de la Fondation Gates, deuxième contributeur (et premier non étatique) de l’OMS, Oxfam explique que “l’achat et l’administration d’un vaccin sûr et efficace aux personnes les plus pauvres du monde coûteraient 25 milliards de dollars. L’année dernière, les dix plus grandes entreprises pharmaceutiques ont engrangé 89 milliards de dollars de bénéfices, soit un peu moins de 30 milliards de dollars en moyenne tous les quatre mois”. En clair, une stratégie visant à donner la priorité aux États et aux personnes les plus pauvres ne mettrait pas en péril ces industries pharmaceutiques.

“Une mise en commun volontaire des brevets associés aux vaccins, aux traitements et aux tests de dépistage du coronavirus”

Oxfam

“Les pays riches et les géants du secteur pharmaceutique, motivés par des intérêts nationaux ou privés, pourraient empêcher ou retarder l’accès des personnes vulnérables à un vaccin, notamment dans les pays en développement”, précise Oxfam dans son communiqué, expliquant que les États pourraient payer le prix fort afin de les obtenir en priorité “comme ils l’ont fait notamment avec les équipements de protection individuelle et l’oxygène, que tous les pays se disputaient”.

L’ONG explique que l’Union européenne a proposé via un projet de résolution “la mise en commun volontaire des brevets associés aux vaccins, aux traitements et aux tests de dépistage du coronavirus”, une mesure qui permettrait selon Oxfam “à l’ensemble des pays de pouvoir produire ou importer des versions à faible coût de tous les vaccins, traitements et tests disponibles”, mais dont la validation pourrait s’avérer compromise.

Priorité américaine

“Toutefois, des documents fuités révèlent que l’administration Trump tente de supprimer toutes les références à la mise en commun des brevets et de les remplacer par des formules beaucoup plus fermes qui garantiraient le respect des brevets de l’industrie pharmaceutique”, alerte Oxfam.

L’ONG explique qu’une telle décision donnerait aux entreprises pharmaceutiques “le droit exclusif de produire les vaccins, les traitements et les tests qu’elles mettent au point, et d’en établir également les prix, même si leurs activités de recherche et développement ont été financées par l’argent des contribuables”.

Cet appel intervient en effet au lendemain des déclarations du directeur général de Sanofi Paul Hudson qui a déclaré, mercredi 13 mai à l’agence Bloomberg, que les États-Unis auraient “le droit aux plus grosses pré-commandes” et pourraient ainsi bénéficier d’une avance de plusieurs jours ou semaines sur le reste du monde. Des propos qui ont suscité de vives réactions de la part d’institutions gouvernementales et non gouvernementales.

Collaboration internationale

Cité dans le communiqué, Jose Maria Vera, directeur général intérimaire d’Oxfam International, résume : “Le prix de la vaccination de 3,7 milliards de personnes pourrait s’avérer inférieur aux profits engrangés par les dix plus grandes compagnies pharmaceutiques en quatre mois. Il serait donc indécent de ne pas garantir la disponibilité d’un vaccin gratuit pour tous. Les vaccins, les tests et les traitements devraient être distribués en fonction des besoins et non pas vendus au plus offrant.”

“Les vaccins, les tests et les traitements devraient être distribués en fonction des besoins et non pas vendus au plus offrant”

Selon les recommandations de l’ONG, il s’agit, entre autres, de veiller à ce que les vaccins et les traitements à venir puissent être accessibles à moindre coût. Dans cette optique, Oxfam propose un plan mondial en quatre points basé sur le “partage obligatoire de la totalité des connaissances, des données et de la propriété intellectuelle en relation avec le Covid-19” et sur un “engagement à accroître les capacités mondiales de fabrication et de distribution des vaccins, financé par les pays riches”.

Il s’agit également de mettre en œuvre une “élaboration d’un plan de distribution équitable, approuvé par tous les pays, avec une clause non modifiable garantissant l’équité afin que l’approvisionnement soit basé sur les besoins et non sur la capacité à payer”, ainsi qu’un “engagement à corriger le système de recherche et développement de nouveaux médicaments, qui est défaillant” puisque “ce système donne priorité aux bénéfices des compagnies pharmaceutiques plutôt qu’à la santé des habitants du monde entier”.

Reprenant les quatre points de ce plan, 140 personnalités de différentes nationalités, chefs d’État, chercheurs, ministres ou représentants d’institutions onusiennes, ont appuyé cet appel en faveur d’un accès équitable aux vaccins dans une lettre ouverte publiée ce jeudi 14 mai. Parmi les signataires figurent le président du Sénégal Macky Sall, le chef d’État sud-africain Cyril Ramaphosa, ou encore le Premier ministre néerlandais Jan Peter Balkenende.