Sijilmassa : Ronald Messier et James Miller sur les traces de la Cité de l’or

Prix L. Carl Brown AIMS pour les études Nord-Africaines en 2016, les recherches des Américains Ronald Messier et James Miller sur Sijilmassa viennent d’être traduites en français.

Par

Port” en bordure du Sahara, ville aux dattes succulentes comme en témoigne Ibn Battouta, qui parcourut cette station sur les routes du commerce transsaharien, entre Fès et Gao, Sijilmassa est devenue une légende.

Ronald Messier
Ronald Messier est historien et archéologue, professeur émérite à Middle Tennessee State University.Crédit: DR

Les gisements de métaux précieux avoisinants lui ont valu, dans les textes arabes médiévaux, d’être appelée “Cité de l’or”, et al-Yaqubi, au IXe siècle, écrivait : “On y trouve de l’or aussi facilement que des plantes, mais le vent l’emporte en poussière”.

C’est cette histoire que retracent Ronald Messier et James Miller, partis à la rencontre des vestiges de la ville mythique, sous l’actuelle Rissani.

Un centre historique

James Miller
James Miller est professeur de géographie et professeur émérite à Clemson University.Crédit: DR

Six ans après sa publication en anglais aux Presses de l’université du Texas, leur ouvrage, intitulé The Last Civilized Place, Sijilmassa and Its Saharan Destiny, est accessible aux lecteurs francophones, grâce à la traduction réalisée par Rita Stirn, professeure d’anglais et par ailleurs auteure d’un ouvrage sur les Musiciennes du Maroc (Marsam, 2017).

Cet ouvrage est l’aboutissement de plus de vingt-cinq ans de fouilles menées par l’archéologue et le géographe américains, aux côtés de leurs homologues marocains, depuis 1986.

Les deux auteurs, l’un spécialiste des Almoravides et l’autre d’Imlil, s’appuient également sur les sources anciennes, comme l’historien et géographe al-Bakri, Ibn Khaldoun, Léon l’Africain et bien sûr Ibn Battouta.

«Sijilmassa et son destin saharien»

Ronald Messier, James Miller

100 DH

Ou

Livraison à domicile partout au Maroc

Tout au long des 400 pages, agrémentées de photos, de cartes et de plans, ils cherchent à démêler la légende de l’histoire, les perceptions des faits, à partir des données de la topographie, de l’archéologie, de l’étude des céramiques et des monnaies, mais aussi en questionnant les modèles théoriques de la ville islamique.

Sijilmassa et son destin saharien, la dernière cité aux portes du désert
, de Ronald Messier et James Miller
Sijilmassa et son destin saharien, la dernière cité aux portes du désert
, de Ronald Messier et James Miller, traduit de l’anglais (États-Unis) par Rita Stirn
, éd. La Croisée des chemins, 386 p., 100 DH.

Loin de tout, Sijilmassa était néanmoins centrale, “d’une importance primordiale dans l’histoire de l’économie médiévale mondiale”, voire “un des éléments qui ont causé les Croisades”, tout en étant profondément ancrée dans l’histoire des dynasties marocaines.

La cité-État indépendante, fondée par les Midrarites en 757, fut d’abord le refuge des Kharijites. Elle connut une période brillante sous les Almoravides, fut reconfigurée par les Almohades, fut détruite en 1393 lors de la guerre civile entre des factions mérinides, puis connut ses dernières lueurs sous les Alaouites, qui reconstruisirent les infrastructures de l’oasis : “Au cours de leur règne, Sijilmassa, la ville de Tafilalet où ils avaient élu domicile, ne put guère préserver ses fondements spirituels et économiques. Mais un nouveau Maroc, ancêtre du Royaume actuel, prit forme.”

Cet ouvrage précis est destiné à un public motivé mais se lit aisément grâce à la place faite au récit. Il restitue une recherche de grande ampleur, qui a bénéficié d’importants moyens, car elle porte sur le berceau de la dynastie alaouite.

«Sijilmassa et son destin saharien»

Ronald Messier, James Miller

100 DH

Ou

Livraison à domicile partout au Maroc

Sur les pas d’Ibn Battouta

“À partir de ce qu’Ibn Battouta nous a transmis, et de ce que nous savons, grâce aux documents historiques, sur l’existence de Sijilmassa, sur son sol et ses richesses, des interférences nous ont permis d’imaginer ce qu’a pu être le séjour d’Ibn Battouta à Sijilmassa.

Lorsque ce “globe-trotteur” s’y arrêta vers la fin de l’année 1351, Sijilmassa n’était en aucun cas un endroit mythique mais plutôt une cité-marchande mondialisée à une époque prémoderne.

Pour Ibn Battouta ce fut le dernier voyage, et Sijilmassa ne représenta qu’une étape parmi tant d’autres dans sa rencontre du vaste monde. Pour d’autres observateurs, en revanche, Sijilmassa continuait de représenter ce qu’al-Bakri avait appelé, trois siècles plus tôt, “la dernière cité aux portes du désert”.

Enrichie de toutes ces informations, notre imagination nous a permis de proposer une description du séjour d’Ibn Battouta, qui ne nous éclaire pas forcément sur son monde, mais plutôt sur celui de Sijilmassa, et sur ses liens au sud avec l’Afrique et la Méditerranée au nord, sur son rôle de relais commercial et culturel qui, telle une rose des vents, part d’un point du Maroc et s’ouvre sur le vaste monde.”