Éditorial. Lalla Salma, princesse utile

Par Aicha Akalay

Il n’y a pas de mal à dire du bien. Depuis dix ans, Lalla Salma préside la Fondation de lutte contre le cancer qui porte son nom. Dix ans de réalisations indéniables (lire notre dossier dans TelQuel du 17 au 23 juin). Certains objecteront que l’engagement de la princesse est facile car elle peut mobiliser tous les outils à disposition de la monarchie et s’entourer des meilleurs. L’argument mérite d’être écouté, mais il ne suffit pas à nier toute légitimité à son action. Aux yeux des malades et de leurs familles, Lalla Salma incarne l’efficacité de la royauté et sa proximité, domaine dans lequel Mohammed VI l’a précédée au début de son règne. Beaucoup de citoyens marocains semblent sincèrement touchés quand ils découvrent le visage d’un jeune de 23 ans atteint de leucémie, ou celui d’une ado de 15 ans frappée par un cancer des os. Tous deux ont retrouvé espoir grâce à la prise en charge de leur traitement par la Fondation de la princesse.

Lors d’une entrevue informelle avec un journaliste français spécialiste des têtes couronnées, Lalla Salma s’est vu offrir le rôle d’héroïne dans un documentaire. “Ce serait l’occasion de vendre à l’Europe et aux Occidentaux l’image d’une première dame moderne, comme celle que s’est construite Rania de Jordanie”, a tenté de convaincre notre confrère. L’anecdote ne dit pas si c’est la flatterie ou la comparaison qui a le plus irrité la royale altesse. Le grossier appât n’a pas fonctionné. En déclinant la proposition du journaliste, la princesse a tenu à préciser que ce n’est pas tant aux Occidentaux qu’elle voulait plaire, mais aux Marocains. Le publicitaire Noureddine Ayouch l’a bien compris. Pour les dix ans de sa Fondation, Lalla Salma apparaît dans un spot télévisé, mêlant darija et arabe classique et insistant sur la dignité des patients.

Mais il faudrait que la princesse aille plus loin que ce coup de com’. Faisant sienne la règle instaurée par son mari, elle est restée pour l’instant totalement hermétique aux médias de son pays. Oubliant au passage que pour toucher les Marocains, encore faut-il s’adresser à leur presse. Lalla Salma sacrifie la spontanéité sur l’autel d’un protocole dépassé. La méfiance extrême de l’information non contrôlée n’est plus de ce siècle. Cette frilosité face aux journalistes est d’autant plus dommageable que des esprits étroits persistent à confiner la femme dans des rôles domestiques. L’engagement de Lalla Salma, ses prises de parole et sa belle chevelure rousse au vent sont des atouts précieux pour la cause qu’elle défend, pour les femmes et pour le Maroc.